Entre tradition, passion et engagement écologique, Bruno Gabris est l’un des derniers pêcheurs professionnels de la Loire. Depuis 2008, installé à Sigloy, il jette ses filets dans le plus long fleuve de France, perpétuant activité artisanale, intimement liée au rythme du fleuve et à la biodiversité qu’il abrite. Dans ce métier exigeant, dicté par les saisons, le niveau de l’eau et les caprices du climat, chaque prise est une histoire, chaque filet relevé une surprise. Passionné par la nature et la pêche depuis l’enfance, Bruno a su faire de cette passion un métier engagé, respectueux de l’environnement et des ressources naturelles.
Un parcours ancré dans la nature
Après un bac général et une courte année à la fac de biologie, il réalise que l’université n’est pas pour lui. Il se réoriente alors vers un bac forestier, suivi d’un BTS Gestion et Protection de la Nature au LEGTA Les Barres à Nogent-sur-Vernisson. Son premier métier est tourné vers la nature et l’humain : encadrant technique pour l’insertion professionnelle par l’entretien de sites naturels.
Puis, il cofonde Les Passeurs de Loire, une structure qui propose des balades sur des bateaux traditionnels, à la découverte du fleuve, de son histoire et de sa biodiversité. C’est en parallèle de cette aventure qu’il débute la pêche professionnelle, jusqu’à s’y consacrer à plein temps. Aujourd’hui encore, il reste proche des Passeurs de Loire avec qui il organise des journées thématiques : découverte de son atelier, dégustation de terrines, puis balade sur le fleuve.
Pêche artisanale, travail de passion
Bruno pêche seul la plupart du temps sur son bateau, mais il est depuis peu épaulé par un salarié à temps partiel, tant pour la pêche que pour la transformation du poisson dans son atelier. Son épouse l’aide également une matinée par semaine, notamment sur la partie conserverie. Il pêche chaque année entre 3 et 4 tonnes de poissons.
Il loue à l’État un droit de pêche sur 50 km de Loire, de Dampierre à Sandillon. Sa zone est vaste, et la pêche demande une connaissance fine des lieux, de la faune et de l’eau.
La pêche en Loire est avant tout une affaire de patience et d’observation. Bruno étudie chaque site avant d’y poser ses filets : l’endroit doit être stratégique, calme, à proximité d’une source de nourriture. Il pêche principalement avec des filets dormants, installés la veille au soir et relevés au petit matin. Il ajuste la couleur de ses filets à l’eau : gris quand elle est très sédimentée, verts ou blancs selon la transparence, avec des mailles adaptées à l’espèce ciblée.
Bruno pêche aussi le silure avec des cages à double entrée qu’il fabrique lui-même. Ces engins, très efficaces, permettent de capturer de gros spécimens.

Des prises variées, reflet de la Loire vivante
La pêche professionnelle en Loire est une activité irrégulière et saisonnière. Sa période la plus active s’étend de janvier à avril, lorsque le fleuve est plus haut, l’eau plus fraîche, et les poissons plus dynamiques. En été, notamment en juillet et août, la pêche s’interrompt presque totalement. Le niveau d’eau est souvent trop bas, la chaleur excessive, et les poissons deviennent moins accessibles.
Les espèces pêchées varient en fonction des saisons, des lieux, des conditions de courant et de la technique utilisée.
Le silure représente de loin la majorité de ses prises. Très présent en Loire, ce géant d’eau douce peut facilement atteindre 80 kg en une seule pêche. Bruno se souvient encore de ce silure de 2,50 m pêché en février. Une prise aussi impressionnante que difficile à manier seul.
Si le silure représente la majorité de ses prises, la carpe arrive en seconde position, notamment dans les zones calmes envahies par la jussie, une plante aquatique invasive originaire d’Amérique du Sud. Cette plante pose un vrai problème pour la pêche : elle étouffe les milieux, favorise l’accumulation de sédiments, puis le développement d’algues filamenteuses.
En plus du silure et de la carpe, Bruno pêche de plus en plus d’aspes, une espèce introduite pour la pêche sportive qui s’est bien installée en Loire. S’y ajoutent parfois chevesnes, brèmes, tanches, voire quelques barbeaux, espèce difficile à capturer, nécessitant une technique spécifique avec des filets à relever toutes les cinq minutes dans le courant. Le brochet et le sandre, autrefois plus fréquents, se font rares.
Une activité sous haute surveillance
Être pêcheur professionnel ne s’improvise pas : Bruno détient une carte professionnelle, un agrément pour la vente directe, et respecte des normes sanitaires et de traçabilité très strictes. À chaque retour de pêche, le poids de chaque espèce est soigneusement consigné dans des carnets de capture, transmis ensuite à l’OFB (Office français de la biodiversité). La pêche artisanale, au-delà de son ancrage traditionnel, joue un rôle crucial dans le suivi des espèces et la surveillance écologique du fleuve.
Du fleuve à l’assiette : une pêche transformée sur place
Ce que Bruno pêche, il le vend. Une partie de ses poissons est vendue en direct à quelques chefs gastronomiques, notamment à Loïs Bée, chef du restaurant La Table d’à Côté (restaurant de Christophe Hay), qui est aujourd’hui son principal partenaire culinaire. Le reste des poissons est transformé dans son propre atelier en rillettes, terrines et soupes, une activité qui prend le relais pendant les mois creux de l’été.
Dans son laboratoire qu’il a lui-même construit, équipé d’un autoclave, d’un hachoir, d’une machine sous vide ou encore de congélateurs, Bruno prépare près de 15 000 conserves par an. Ses recettes, simples et savoureuses, font la part belle aux produits locaux et bio : terrine de carpe au safran, rillettes de silure à la tomate séchée, terrine de poisson fumé ou encore à l’échalote confite. Toujours curieux, Bruno teste aujourd’hui de nouvelles idées : filets de silure dans l’huile, plats cuisinés à base de silure… Il vend aussi des filets de poissons sous vide surgelés.
Ses produits sont disponibles dans sa boutique, mais aussi dans des magasins de producteurs et chez des cavistes.
Un artisan de la Loire, un veilleur du vivant
Ce qui anime Bruno, c’est le lien profond avec la Loire, conscient de la fragilité de cet écosystème sauvage. Il en connaît les moindres changements, observe le passage des saisons, la montée des eaux, les migrations, le retour discret de certaines espèces. Il agit à son échelle pour protéger un écosystème fragile, pour sensibiliser à la richesse du fleuve, pour valoriser une ressource locale et sauvage.
Sa boutique à Sigloy est ouverte chaque vendredi après-midi et samedi matin. On y retrouve ses conserves, quelques filets de poissons surgelés sous vide, et surtout l’esprit d’un homme qui a su ancrer sa passion dans un métier exigeant mais profondément vivant.
Des produits disponibles aussi chez nous !
Les terrines de poissons de Bruno sont également disponibles dans nos boutiques et à la cantine du Relais des Trois Écluses. Un vrai coup de cœur pour la terrine de poissons thym et citron, ainsi que pour la terrine à la moutarde à l’ancienne, au goût généreux et parfaitement équilibré. Une belle manière de soutenir une pêche artisanale locale, et de redécouvrir les saveurs authentiques de la Loire, en toute simplicité.
Les pêcheurs de Loire
120 route de Marmain
45110 SIGLOY